Isabelle DEBRE, nous vous remercions d’avoir bien voulu accepter cette
interview qui permettra aux adhérentes et sympathisantes de l’AFL
Paris de mieux connaître votre parcours, le sens de votre engagement
politique.
Au plan local, à Vanves, vous êtes Premier Adjoint au Maire, chargée
des Affaires sociales, de la Famille, de la Petite enfance et des Personnes
handicapées. Dans cette perspective, quel est le fondement de votre
engagement politique ? Votre action au profit de l’enfance a-t-elle été déterminante
?
A mes yeux, si l’engagement politique est d’abord le service intransigeant
de la Nation, c’est aussi, au quotidien, le service des autres. Il est
certain qu’au niveau local, et tout particulièrement dans la délégation
qui est la mienne, les résultats sont visibles en permanence, ce qui
est toujours plus encourageant. Quant à mon action en faveur de l’Enfance,
elle s’est révélée plus que déterminante
; c’est en effet grâce à elle qu’en 1995 le maire
de Vanves m’a proposé de figurer sur la liste qu’il conduisait
aux élections municipales. Malheureusement nous avons perdu ces élections
d’une voix, et j’ai donc débuté par l’apprentissage
de l’opposition, pendant 6 ans. Depuis notre victoire en 2001, j’ai
la chance de participer activement à l’exercice des responsabilités
locales.
Vous recevez régulièrement vos concitoyens en Mairie. Comme de
nombreux franciliens, les Vanvéens sont aujourd’hui confrontés à de
multiples problèmes. Devant cette situation difficile, pourriez vous
nous préciser les instruments dont dispose aujourd’hui pour agir
un élu local chargé des affaires sociales ?
Tout d’abord, il me paraît juste de souligner que pour la majorité des
Franciliens, vivre en Ile de France, et notamment à Vanves, est une
chance extraordinaire, en regard des conditions de vie offertes au plus grand
nombre des habitants de la planète. Cette richesse collective n’empêche évidemment
pas que certains de nos concitoyens soient confrontés à des problèmes,
des difficultés réelles, voire à de véritables
drames. Tout naturellement notre attention d’élus est donc plus
focalisée sur ce qui ne va pas que sur ce qui donne satisfaction.
Dans le cadre de mon mandat d’élue locale, je suis aussi Vice-Présidente
du CCAS. (Centre Communal d’Action Sociale) ; ces responsabilités
me permettent d’aider les personnes, tant d’un point de vue financier
(aide EDF, aide au logement, secours financier....), que sur le plan administratif,
en relation directe, bien sûr, avec les assistantes sociales.
Dès lors, en qualité de future parlementaire, à la lumière
de votre expérience d’élue de proximité, n’y
aurait-il pas une proposition de loi que vous souhaiteriez voir présenter
dans ces domaines-là ?
Me tient particulièrement à cœur l’extension de la
possibilité juridique de se déclarer en faillite personnelle,
comme cela se pratique déjà en Alsace. En effet je trouve totalement
inadmissible que des sociétés commerciales poussent à la
consommation des personnes aux revenus modestes en leur accordant des crédits
qu’elles ne pourront jamais rembourser ou qui, au moindre pépin,
se retrouveront dans l’incapacité de faire face. Il m’arrive
de recevoir des personnes couvertes de dettes faramineuses, qui, très
vite, vivent une véritable descente aux enfers. Il faut, si ces personnes
sont de bonne foi, leur donner une nouvelle chance et effacer ces crédits.
Cette possibilité incitera aussi les entreprises à faire preuve
de plus de prudence et d’humanité ! Je sais que Jean-Louis BORLOO
a beaucoup travaillé sur ce sujet et nous devrons tous veiller à ce
que la loi élaborée soit véritablement appliquée.
Pour les parents d’aujourd’hui, concilier les impératifs
de travail et d’éducation des enfants est un véritable
défi. Aussi, selon vous, quelles solutions serait-il souhaitable d’adopter
sur un plan législatif ou fiscal, pour améliorer la situation
des parents actifs en charge de très jeunes enfants ?
Je regrette que l’on ait diminué le montant des frais de garde
défiscalisable. Nous savons tous que les collectivités locales
ne peuvent répondre à la demande de place de crèches ;
aussi faut-il trouver d’autres alternatives comme la garde partagée,
les crèches parentales ou d’entreprises. Il convient donc de rendre
ces modes de garde attractifs par exemple par une défiscalisation auprès
des parents et des entreprises, en ce qui concerne les frais de fonctionnement
de cette filière, et par l’octroi de subventions pour ces investissements.
En tant qu’élue, votre autre domaine d’action est celui
des personnes handicapées. Ne faudrait-il pas élaborer de nouvelles
mesures pour faciliter leur vie quotidienne et leur insertion dans la société française
?
Les collectivités locales, territoriales et l’Etat sont conscients
des problèmes et essayent, par exemple, d’améliorer l’accessibilité des
personnes handicapées dans les lieux publics, les transports en commun.
Toute nouvelle construction doit aujourd’hui répondre à des
normes permettant l’accueil des personnes handicapées. Beaucoup
d’autres mesures seraient à prendre, mais si je devais en choisir
une, ce serait celle facilitant l’intégration scolaire des enfants
handicapés. Il n’est pas normal qu’un enfant à mobilité réduite
ne puisse suivre un enseignement scolaire par manque d’auxiliaire de
vie scolaire ! Il faudrait qu’une véritable concertation entre
les ministères de l’Education Nationale, des Affaires Sociales,
de la Famille, des Personnes Handicapées ait lieu afin de définir
clairement un programme et son financement en faveur de ces enfants. Ici encore,
le rôle des associations doit être mis en valeur.
Si vous le souhaitez, évoquons maintenant votre engagement politique.
Lors des dernières élections régionales, vous étiez
tête de liste au côté de Roger KAROUTCHI sur la liste UMP
des Hauts-de-Seine, seule liste UMP d’Ile-de-France à être
arrivée en tête. Comment expliquez-vous ce résultat encourageant
? Quels enseignements en tirez-vous pour l’avenir de l’Union ?
Le Département des Hauts-de-Seine est encore aujourd’hui un département
essentiellement géré par des élus de Droite, et j’ai
la conviction que les villes gérées par la Droite préparent
mieux leur avenir que celles gérées par la Gauche.
Si, dans les Hauts-de-Seine, la liste UMP, au premier tour des élections
Régionales, s’est inscrite en tête des listes de Droite,
et si la liste d’Union de la droite républicaine a largement devancé celle
de Gauche au second tour, nous le devons au travail sur le terrain des élus
municipaux, aux militants qui oeuvrent afin de faire connaître et partager
nos idées, et au soutien actif de Nicolas SARKOZY et Patrick DEVEDJIAN.
Sept cent cinquante conseillers municipaux et militants UMP des
Hauts-de-Seine se sont réunis pour désigner leurs candidats pour les élections
sénatoriales du 26 septembre. Dans le collège des femmes, vous êtes
arrivée largement en tête. La commission nationale d’investiture
de l'UMP vous a ainsi désignée pour figurer en tête de
liste aux élections sénatoriales. Désormais, dans l’hypothèse
de votre élection au Sénat, quel va être le sens de votre
action en qualité de future parlementaire ?
Je serais très heureuse, si je suis élue, de pouvoir concilier
un mandat local avec un mandat plus global. Je souhaiterais me consacrer à ce
que je connais le mieux, l’Enfance, la Famille, le Handicap, en utilisant
mon expérience d’élue et de militante associative.
A ce titre, peut-on dire que vous représentez une nouvelle génération
de responsable politique français ?
A mon âge, 47ans, il me semble difficile de parler de « nouvelle
génération » ! Mais il est vrai que mon parcours me rapproche
d’un nouveau type d’élu sans doute plus fréquent
aujourd’hui. Tout d’abord les femmes : elles sont encore peu représentées
dans le monde politique, et notamment au sein du Sénat. Puis, au travers
de mon expérience de l’entreprise privée (je dirigeais
une entreprise de communication) et du milieu associatif. En cela ma candidature
au Sénat va dans le sens de ce que souhaitait, en 1969, le Général
DE GAULLE, qui voulait rapprocher le Sénat du Conseil Economique et
Social. L’Assemblée Nationale aurait ainsi conservé son
rôle de représentation des Français en fonction de leurs
origines géographiques, tandis que le Sénat se serait exprimé au
nom des différentes composantes sociologiques de la Nation. C’est
dans cet esprit que j’espère servir au Sénat, si j’y
suis élue en septembre prochain, tout en y représentant, bien évidement,
les Hauts-de-Seine.
Enfin, selon vous, comment le Sénat peut-il améliorer la condition
des femmes dans la vie civique et politique ? Le Sénat ne peut-il pas être
vu comme la dernière forteresse résistant dans les faits à la
parité Homme/Femme dans la vie politique française ?
Dans le cadre de nos Institutions, le rôle du Sénat est avant
tout législatif, et sur le plan de la parité, il me semble que
les textes en vigueur suffisent. Pour être honnête, j’avoue
qu’à l’époque du débat sur la parité électorale,
je m’étais prononcée contre le principe d’une Loi
dans ce domaine, parce que je crois profondément que la nature de la
République s’oppose à toute forme de quotas. Et puis, en
tant que femme, je me sentais quelque peu humiliée par ce texte. Je
le reconnais, j’avais tort, car les mentalités n’évoluent
que lentement, et le législateur doit parfois favoriser l’accélération
des choses. Sur le plan de la parité en politique, il est vrai qu’il
reste beaucoup à faire ; au cours des dernières campagnes électorales,
j’ai participé à de nombreux meetings : croyez-moi, la
place des femmes sur les tribunes y est pour le moins limitée. Quant à leur
donner la parole, il en est peu question ! Mais je crois cependant que c’est
aussi aux femmes de montrer leur détermination, sans complexe, à leur
façon. Cela dit, sans cette Loi, je ne figurerais probablement pas en
place éligible.
Une dernière observation, un peu technique, à ce sujet : lors
des scrutins par liste, comme celui des sénatoriales, la multiplication
des listes favorise mécaniquement l’élection de leurs chefs
de file qui, le plus souvent, sont des hommes, au détriment des femmes
placées en seconde position. C’est ainsi que certaines assemblées
restent plus masculines que d’autres….
Isabelle Debré, nous vous remercions de l’attention que vous
avez portée à notre entretien, et vous souhaitons une bonne continuation.
Propos recueillis par Emilie QUINTIN et Philippe WODKA GALLIEN, septembre
2004
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